Notre première session d’ateliers d’expression théâtrale de l’année démarre. C’est l’excitation pour les trois encadrantes ! Avec Morgane ENDERLIN, comédienne et metteur en scène de la Compagnie « Toc Toc », nous encadrons le groupe. C’est la joie pour ceux et celles qui connaissent, le stress pour ceux et celles qui découvrent et parfois encore un peu d’appréhensions pour ceux et celles qui reviennent !
Nous accueillons 7 participant(e)s, accompagné(e)s par le SESSAD, âgés de 17 à 24 ans. L’atelier se déroule durant 2 heures le matin, un temps d’accueil leur est réservé. Certain(e)s vont vers les autres pour les saluer du coude ou du regard. D’autres adressent un bonjour à peine audible alors que certain(e)s ont les yeux déjà rivés sur leur portable. Le plaisir à se retrouver est palpable pour quelques-uns. Dans le groupe, quatre jeunes ont déjà participé aux ateliers d’expressions théâtrales en octobre 2020 et sont ravi(e)s de se retrouver. Les restrictions liées à la situation sanitaire que nous connaissons depuis plusieurs mois ont fortement réduit les possibilités de rencontres physiques et c’est la communication à distance via le téléphone ou l’ordinateur qui s’est développée.
A l’issue de la 1ère heure, on peut observer que les craintes du départ se sont éloignées. Un cadre rassurant et chaleureux est posé et chacun(e) va pouvoir évoluer à son rythme et s’essayer. Les participant(e)s sont libres de faire ou de ne pas faire, de s’octroyer une pause quand le besoin s’en fait sentir. C’est ici un espace de liberté qu’ils vont expérimenter.
On commence par un temps de pause où l’on se centre sur soi et sur sa respiration pour aller chercher la concentration nécessaire au jeu. On se présente, on apprend le prénom de son/sa camarade de jeu avec qui on passera trois jours. Notre mémoire est sollicitée et notre attention à l’autre l’est aussi. Le regard prend toute son importance et encore plus masqué où une partie des expressions faciales nous manquent. Le temps se suspend et on laisse place à l’inspiration et l’expiration. Les corps se détendent et on écoute les sons qui nous parviennent.
Premier temps de rencontre avec un(e) partenaire par le biais du jeu du miroir. Une dynamique corporelle s’empare des participant(e)s : on s’observe pour jouer et déjà rire. L’un propose une gestuelle qui est reprise par le partenaire. Ce langage corporelle raconte déjà une histoire et fait sourire.
Un autre sens est sollicité, celui de l’audition. Au centre du groupe une personne ferme les yeux, elle peut le faire parce que la sécurité s’est installée. Un camarade se rapproche de lui, le plus doucement possible. La personne au centre pointe l’index dans sa direction quand elle l’entend. Certain(e)s ont l’oreille très fine !
L’énergie se partage, alors nous la faisons circuler à travers un geste. On se la donne, avec toujours cette attention portée à l’autre, même quand l’erreur est là. C’est de la bienveillance qui se dégage du groupe où dès le premier jour on peut voir l’attention de l’un portée à l’autre. Les jeux nous y incitent : lors de « l’échauffement », on demande au camarade comment il va.
Vient la parole et la stimulation de l’imaginaire : chacun(e) se présente de façon fictive en répondant aux questions des camarades. On peut parler d’un personnage imaginé mais on peut aussi parler de soi.
Le 2nd jour, notre groupe a plaisir à se retrouver. Les échanges sont plus spontanés. La proximité physique est possible. Cette fois, on s’allonge au sol et on se concentre sur la respiration, on fait des étirements. Nos corps se rapprochent, dos à dos, on guide où on se laisse guider. Le contact est possible pour tous sauf l’un des participants qui l’exprime.
Place maintenant à la musique ! L’énergie s’empare de tou(te)s, chacun dans son style sous le regard des autres qui n’est pas un frein. Des gestuelles sont surprenantes et font sourire. Le groupe répète une danse proposée par une personne puis danse en duo. La musique permet ici l’expression du corps : oser bouger, se montrer, sentir les mouvements. On poursuit par un peu de musicalité : en cercle, des rythmes se passent des uns aux autres, 2 puis 3. De quoi se concentrer et s’y perdre parfois !
Lancé de balles invisibles : petite, grosse, lourde, agréable, douce, drôle, triste….oui, on joue avec nos émotions !
Vient le « killer », jeu d’observation pour repérer qui est celui qui assigne à l’autre un clin d’œil. Il se croit discret mais il sera débusqué. Certains ont une observation très fine et rapide !
Jeux des statues à 2, à 3 : observation et prise en compte de son corps dans l’espace. On continue par le mime des petites saynètes jouées à 2 où le seul mot prononcé est « pourquoi ». On assistera à une rencontre dans la rue où il y aura friction puis on voyagera dans les années 50 où nos personnages nous emmènerons vers le futur pour sauver les théâtres et détruire le COVID. Enfin, deux colocataires découvrent un animal, chacun a une vision différente de la situation. Chacun a su être créatif.
C’est notre 3è jour et nous sommes contentes de présenter nos envies aux jeunes à savoir renouveler les sessions d’atelier en mai, juillet, octobre et terminer notre cycle par une restitution de notre travail devant un public, dans une vraie salle de spectacle.
Vu le contexte actuel, cela parait utopique mais tirer ce fils de Vie est ce qui permet à tous de rester dans le mouvement, dans la rencontre de soi et de l’autre. Cela nous permet de nous projeter.
Cette séance débute par de la respiration ventrale. Nous poursuivons par une marche durant laquelle nous émettons des sons.
On joue avec les émotions ; nous nous mettons les uns derrière les autres. Le dernier donne une phrase, les autres la répètent avec des émotions différentes. On utilise ensuite le corps et le mime : l’un en face de l’autre, l’un des joueurs dit un mot et l’autre le mime. On observe des encouragements mutuels et un accueil des idées et proposition de l’autre.
On propose de « l’impro » aux participants. Une personne entre en scène devant ses camarades et imagine ce qu’il a vu dans le couloir. Une jolie galerie de personnages commence déjà à se créer ! Un fanatique de la trilogie Stars Wars, un zombie nu qui va manger un cerveau, une pluie d’or et de pain au chocolat, un traiteur chinois pris en otage durant 15 ans, des retours vers le passé…. Plein d’idées et une grande imagination !
Des saynètes sont jouées à plusieurs sur des propositions tirées au sort :
- La perte du téléphone portable
- Raconter une histoire en langue inventée
- Passer un appel téléphonique pour commander un plat
- Acheter une baguette
Quant à la scène finale, tou(te)s sont sur scène, sur une chaise. Ils sont dans une salle d’attente. Ils incarnent un personnage de leur choix et jouent l’attente, l’impatience, la curiosité. Ils se jaugent et entament une discussion.
A l’issue de ces 3 jours, leurs retours sont les suivants :
-« c’est bien de rencontrer des personnes et de changer de voix, d’inventer des histoires. »
– « Je suis triste que ce soit finit »
– « le théâtre m’a fait du bien, je suis content d’avoir revu des personnes »
– « l’atelier m’a beaucoup plu, je suis contente d’avoir vu des personnes en vrai »
-« ça a tout changé, j’ai beaucoup aimé, je ne saurais pas expliquer. Je veux le refaire chez moi »
– « ça va, sans plus ni moins, je ne sais ce qui m’a fait du bien. Faire du théâtre, ça change. »
C’est une 1ère expérience positive pour les participant(e)s et les encadrantes. L’activité théâtrale est une discipline exigeante et structurante qui implique de respecter l’autre, de s’engager dans une temporalité. Cette activité permet d’apprendre le respect de l’autre et l’acceptation de la différence. L’atelier permet d’apprendre à communiquer autrement : savoir s’exprimer, écouter, développer l’estime de soi et la confiance mutuelle. Il permet d’être ensemble. Le théâtre questionne le corps, l’espace, la voix, la parole mais aussi l’image de soi et du groupe. Il autorise la liberté de penser et d’être. Ici, la place est laissée aux bizarreries qu’on tente de cacher et de temporiser ailleurs. Ici, on peut penser comme on veut sans la crainte du jugement. Chaque singularité sera utilisée comme ingrédient à la création commune.
L’atelier peut être une évasion intellectuelle qui ouvre des portes, un champ de possible qui permet la rencontre réelle et non virtuelle.
Il permet de faire un pas de côté tant pour les participants que pour les éducatrices qui posent alors un regard différent sur les jeunes accompagné(e)s.
L’atelier théâtre, un lieu pour tenter de modifier les relations entre les gens, un lieu d’échange !
Emilie FORT et Violaine VIL LEN
Educatrices Spécialisée